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Revue de presse

messak-2-med-ridha-Algerie2Le contenu de l’entretien de La revue Mutations avec M. Mohamed Ridha MESSAK
(in. MUTATIONS, Revue trimestrielle de la chambre algérienne de commerce et d’industrie-CACI, N°101-04/2017. P. 33-35)
 Mohamed Ridha MESSAK, enseignant chercheur à l’université Mohamed Khider-Biskra.

 

« L’enjeu de la filière dattes est aussi technologique »

Sollicité par de nombreux consortiums de consultations d’agro-économie au niveau international, Mohamed Ridha MESSAK, enseignant chercheur à l’Université Mohamed Khider de Biskra, a contribué dans certains programmes de coopération de l’Algérie avec l’UE, et avec la coopération internationale allemande GIZ. Membre du groupe international sur les filières agri benchmark Horticulre et dans un projet de recherche sur la filière dattes en Algérie (Valuedatte-CREAD-2017). Pour lui, le développement durable de la filière commence dans le cadre d’une stratégie nationale de diversification de l’économie. Une stratégie conçue avec des acteurs responsables, tout en rappelant que l’exportation est la conséquence d’une filière bien organisée et performante et non pas l’inverse. La porte de l’internationalisation s’ouvre de l’intérieur, estime le consultant en agroo-éconmoe.

La production de dattes Algériennes est en constante évolution, à quoi attribuez-vous cela ?

En Algérie, la filière dattes enregistre une dynamique notable comparativement avec beaucoup d’autres filières en dépit des nombreuses contraintes rencontrées par ses intervenants. La superficie phenicicole s’est quadruplée entre 1962 et 2016. Actuellement on compte environs 19 millions de palmiers dattiers, dont 15,7 palmiers productifs, offrant un peu plus d’un (01) millions de tonnes de dattes, toutes variétés confondues (dont 54% de la variété Deglet-Nour).

Entre 1965 et 2016 le nombre de palmiers productifs a été multiplié par 2,6. En 1965, on compta 5.9 millions de palmiers. En 1999 il s’est augmenté à 8.8 millions de palmiers, suite à l’application de la loi 18-83 relative à l’accession à la Propriété foncière agricole « A.P.F.A ». En 2005 on compta 10.12 millions de palmiers productifs, grâce aux subventions du programme national de développement agricole et rural – PNDAR. En 2016 ce patrimoine a atteint 15.7 millions de palmiers productifs (soit 84% du patrimoine complantés). Cette dynamique s’explique aussi par l’engagement des producteurs à développer cette culture rentable, sacrée et stratégique pour                   la durabilité des oasis algériennes. Ce qu’est important c’est d’accompagner les rajeunissements des palmeraies en déclin et l’amélioration des rendements (65 kg/palmier lorsqu’une performance de 80 kg/palmier est possible, par exemple, le rendement brut moyen à Biskra voisine les 100 kg/palmier).

Il reste à rappeler que désormais l’Algérie est le 3eme grand producteur de dattes au monde, avec 12,3% de l’offre mondiale, dont 41.6% de sa production est produite à Biskra. Le potentiel de l’Algérie est important, seule la wilaya de Biskra produit le double de la production tunisienne, sachant que la Tunisie est le 1ere exportateur de dattes au monde.

 La qualité s’est améliorée avec les années, et peut-elle concurrencer les autres variétés de dattes au niveau du marché international ?

Certes, Il y a des améliorations relatives à la qualité de nos dattes. La conscience de l’avantage comparatifs-qualité est présente dans tous les esprits des acteurs, mais beaucoup reste à faire pour gagner durablement cet enjeu.

La qualité de la datte commence au niveau de la palmeraie, par exemple, dans la conduite des palmiers on observe certaines pratiques et opérations visant à stabiliser le niveau des rendements et assurer une meilleure qualité. Entres autres, ce sont ces pratiques qui ont permis la création d’une indication géographique IG Deglet-Nour de Tolga.

En revanche, il est faut inciter les producteurs et les collecteurs- stockeurs (kherrasssa) à bien maitriser la lutte contre les ravageurs des dattes comme la pyrale (le ver de la datte (soussa)) et de maitriser la chaine de froid au niveau des chambres froides pour réduire le phénomène de brunissement…etc

Les conditionneurs-exportateurs sont de plus en plus sensibles aux mesures, normes et référentielles de la qualité et de la sécurité alimentaires (haccp, iso 22000, BRC, IFS..), seulement, la mise en place de ces méthodes et référentielles est un peu couteuse par rapport à leur capacité financière, car il s’agit souvent de  très petites entreprises saisonnières.

Quand on évoque la qualité des produits, ça nous renvoie au segment de la datte bio. C’est là notre grand retard, pourtant la demande sur le bio croit rapidement. Le développement de cette opportunité pourra commencer par les producteurs de l’IG Deglet-Nour de Tolga ou par la création de périmètres phoenicicoles (dans le cadre de l’APFA), conduits exclusivement en mode biologique. La faisabilité de cette orientation exigera une infrastructure institutionnelle et des organismes certificateurs. L’Algérie a toutes les compétences nationales capables de réussir cet enjeu.

Une certaine anarchie dans l’organisation des marchés de gros de la datte est constatée. Selon vous quels sont les mécanismes qu’il faut activer pour règlementer le marché des dattes en Algérie ?

Nos recherches montrent que le prix de la Deglet-Nour (54% de l’offre) atteint un niveau dix fois plus supérieur au coût de revient. La tendance d’augmentation de ces prix sur le marché national est plus rapide que celle sur marché international. La filière connait depuis longtemps des intermédiaires informels, sur la chaine de valeur de la datte, ce sont ces intermédiaires qui contrôlent une part importante de l’offre et donc, ils influencent les prix. Cette tendance réduit la compétitivité-prix de la filière. Ceci dit, que la régulation des marchés passe inévitablement par l’intégration et la formalisation des collecteurs stockeurs informels, bien sûr avec, entres autres, le contrôle et l’application du bon de transaction commerciale (Décret exécutif n° 16-66 du 16 février 2016).

Seulement 3% de la production nationale est mise à l’export, pourquoi ?

L’essentielle de la datte algérienne est consommé localement par les algérien, seulement 3% de la production est exportée. La demande sur le marché international est croissante, elle est  supérieurs à la capacité de l’offre de nos unités de conditionnement-exportation, de ce fait, les acteurs de l’export et de l’interprofession ont besoin de créer une synergie entre eux pour maitriser la concurrence « déloyale », personnellement, je me demande ou est-il le dit « Claustre dattes »,  et pourquoi il a commencé grand et terminé petit ? Et pourquoi l’interprofession est en léthargie ?

Certains exportateurs se plaignent du problème de certification de la datte Algérienne bien que cette dernière est déjà labellisée, comment doit-on prendre en charge cette question de certification ?

L’un des problèmes de l’agriculture algérienne (et non seulement de la filière dattes), est le manque d’organismes certificateurs pour se convertir au mode bio. L’autre difficulté est le manque de système de traçabilité de nos terroirs…Par ailleurs, l’haccp (méthode pour maitriser les risques physiques, chimiques et biologiques dans les unités), n’a pas besoin d’un organisme certificateur, car il ne s’agit pas d’une norme, mais un préalable pour être certifié en iso 22000 (une norme relative à la sécurité alimentaire). Une unité peut faire appel à un organisme international pour se certifier, mais souvent les couts sont insupportables.

La grande opportunité pour l’avenir de la filière est son indication géographique IG Deglet-Nour de Tolga, tout est prêt pour qu’elle se lance sur le marché, mais des blocages persistes.

Les acteurs de la filière dattes en Algérie possèdent-ils les moyens pour mettre en œuvre  une stratégie à même de porter cette activité économique ?

Le développement durable de la filière commence dans le cadre d’une stratégie nationale de diversification de l’économie. Conçue avec des acteurs responsables…faut-il rappeler que l’exportation est la conséquence d’une filière organisée et performante, et non pas l’inverse.                     La porte de l’internationalisation s’ouvre de l’intérieur.

Quel est le rôle de l’université locale et quels sont les travaux déjà menés par les chercheurs pour accompagner les producteurs dans la quête de solutions aux problèmes techniques du terrain ?

Le partenariat recherche-entreprise est incontournable, tout le monde répète cette idée, mais peu de concret sur le terrain.  Les problèmes de la phoeniciculture et les industries inhérentes, peuvent être traités par des compétences nationales. L’université est la pépinière des instituts de recherche et développement. Personnellement je connais beaucoup de chercheurs qui ont des résultats utiles et applicables au niveau des différents segments de la filière (dans la mécanisation, la protection intégrée des palmeraies, dans la diversité variétale, la transformation, le management de la qualité, l’économie de l’eau, la fertilisation, les systèmes d’information). Plusieurs chercheurs algériens sont sollicités par des grandes institutions et équipes de recherches étrangères, mais, personne n’est prophète dans son pays, hélas !

La nouvelle appellation du Sidab est Sidabtech, les organisateurs y ont intégré technologie, quel est votre commentaire à ce sujet ?

L’enjeu de la filière est aussi technologique, les producteurs sont des demandeurs d’innovations, l’ère est pour l’agriculture de précision. La compétitivité de la filière est largement tributaire de   la taille des palmeraies et son niveau de mécanisation, face à une main d’œuvre de plus en plus rarissime et une demande croissante sur le marché national et international.

Entretien réalisé par

Rabah NADRI